Nouvelles dérogations pour les multinationales: le Conseil fédéral ignore le vote populaire
Le Conseil fédéral a adopté définitivement aujourd’hui l’ordonnance d’application du contre-projet à l’initiative pour des multinationales responsables. Malgré les fortes critiques formulées dans le cadre de la consultation, les ajustements apportés au texte ne sont que cosmétiques.
Même après la procédure de consultation, l’ordonnance d’application adoptée par le Conseil fédéral contient tellement de dérogations que presque toutes les multinationales pourront au final se soustraire aux dispositions prévues par la loi. Il suffira par exemple à une multinationale de déclarer qu’elle respecte certaines dispositions internationales afin d’être exemptée. Les multinationales seront également libérées de leur devoir de diligence si l’assemblage final de leur produit a lieu dans un pays où le risque de travail des enfants est faible. Ainsi, si une entreprise suisse vend une chaussure « fabriquée en Allemagne » (seul l’assemblage final étant réalisé en Allemagne), elle pourra ignorer la loi, quand bien même les composants de la chaussure pourraient avoir été produits dans un pays tiers via le travail d’enfants.
« Ce règlement ne réduira pas le travail des enfants. Ce sont précisément les entreprises qui ferment les yeux sur le risque de travail des enfants, qui utiliseront l’une des multiples possibilités d’exemptions. La Suisse accuse par ailleurs un retard de plus en plus clair par rapport aux évolutions internationales. Pas plus tard qu’hier, le ministre néerlandais compétent a annoncé une loi forte, qui concernera tous les droits humains », commente Dietrich Pestalozzi, entrepreneur et membre du comité de la Coalition pour des multinationales responsables.
Plus de 40 ONG, 20’600 particuliers, différents cantons, partis politiques et associations économiques ont critiqué l’ordonnance lors de la procédure de consultation, demandant au Conseil fédéral d’en combler les lacunes. « Le fait que le Conseil fédéral ignore non seulement la majorité populaire obtenue par notre initiative, mais également l’essentiel des réponses à la consultation, est absolument inacceptable et contraire à la tradition démocratique suisse », déclare Dominique de Buman, membre du comité de la coalition pour des multinationales responsables.
Le canton de Berne écrit par exemple : « Le Parlement a essentiellement délégué au Conseil fédéral la définition concrète du champ d’application du contre-projet. Celui-ci a défini ce champ d’application de manière à exonérer un très grand nombre d’entreprises de leurs devoirs de diligence et de transparence. Le Conseil d’Etat bernois en prend connaissance avec regret, considérant, d’une part, que l’effet du contre-projet indirect s’en trouve amoindri, et, d’autre part, que celui-ci ne répond pas suffisamment à une demande formulée par une courte majorité de la population (51 %) ».
Le contre-projet doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022, mais les sociétés ne devront pas rendre de rapport avant l’exercice 2023. Compte tenu des développements actuels au sein de l’UE, il est probable que d’ici là, la Suisse se retrouve le seul pays d’Europe sans loi efficace sur la responsabilité des multinationales. La Coalition pour des multinationales responsables va donc renforcer son engagement en faveur de règles contraignantes dans les prochains mois.
«Un projet d’ordonnance minimaliste et en retard sur son temps»:
Critique détaillée de l’ordonnance par la coalition pour des multinationales responsables