Un rapport commandé par la Commission de gestion du Conseil national critique le rôle du Conseil fédéral dans la campagne de votation sur l’initiative pour des multinationales responsables
Trois ans après la votation sur l’initiative pour des multinationales responsables, une enquête du Contrôle parlementaire de l’administration (CPA) publiée aujourd’hui par la Commission de gestion du Conseil national juge que les modalités de communication de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter lors de la campagne de votation n’étaient pas proportionnées.
Selon le CPA, une stratégie de communication avait même été élaborée au sein du Département de la justice, dirigé à l’époque par la conseillère fédérale, qui orientait la communication de la cheffe du département comme « complément à la campagne de l’alliance interpartis » des opposants à l’initiative. Le CPA conclut que les modalités de communication prévues « dépassaient la frontière établie entre l’information et la campagne » et allaient donc « à l’encontre d’une communication proportionnée ».
Lors de la campagne de votation déjà, la communication unilatérale et parfois incorrecte de la conseillère fédérale avait été critiquée par différents professeurs de droit. Après la votation, des enquêtes menées par les médias ont montré comment Swissholdings et Economiesuisse ont pris contact avec la nouvelle conseillère fédérale dès son entrée en fonction et ont partagé avec le département leurs principales réflexions de campagne contre l’initiative. C’est à ce moment-là, soit à un moment inhabituellement tardif, que le Conseil fédéral a initié un contre-projet extrêmement faible, qui s’est finalement imposé et a fait échouer le compromis déjà existant du Conseil national.
Dominique de Buman, ancien président du Conseil national (Le Centre) et actuel membre du comité de la Coalition pour des multinationales responsables réagit aujourd’hui de la manière suivante : « Rétrospectivement, il est extrêmement dommage que le Conseil fédéral ait suggéré à tort, pendant la campagne de votation, qu’avec notre initiative la Suisse ferait cavalier seul. C’est le contraire qui est vrai : avec la directive de l’UE sur la responsabilité des multinationales qui arrive aujourd’hui à bout touchant, la Suisse sera bientôt le seul pays d’Europe à partir duquel des multinationales comme Glencore et Syngenta pourront encore mener leurs affaires problématiques. La Suisse doit élaborer rapidement une loi afin d’être « coordonnée au niveau international », comme l’a promis la conseillère fédérale lors de la campagne de votation ».