Une ordonnance faible: le contre-projet alibi se transforme définitivement en farce
La coalition de l’initiative pour des multinationales responsables continuera à s’engager pour des règles contraignantes pour les multinationales. Une nécessité confirmée par l’ordonnance publiée par l’administration fédérale et qui n’apportera aucune amélioration de la situation pour les victimes.
Le contre-projet indirect à l’initiative pour des multinationales responsables est une pure législation de campagne », déclare Marc Ummel de Swissaid. Résultat d’une manœuvre précipitée de la conseillère fédérale Keller-Sutter en 2019, il a servi à empêcher un compromis au Parlement et à influencer la population en lui faisant croire que l’initiative pour des multinationales responsables n’était pas nécessaire.
La réglementation oblige les grandes multinationales à produire un rapport de durabilité. Le principe « comply or explain » prévaut : qui n’a pas de politique de droits humains ne doit pas en adopter et n’a pas de rapport à rendre à ce sujet. Quelques multinationales sont par ailleurs tenues de respecter des obligations de diligence raisonnable dans les domaines du travail des enfants et des minéraux de conflit. Cette mesure reste toutefois inefficace, car personne ne contrôle que ces règles soient respectées et les violations n’entrainent pas de sanctions – contrairement à la législation des Pays-Bas, considérée comme modèle pour le contre-projet. « Ainsi, cette loi ne va guère au-delà du statu quo », explique Marc Ummel.
Une mise en œuvre minimale du contre-projet
La coalition pour des multinationales responsables participera au processus de consultation avec une analyse approfondie. Cependant, une première analyse suffit à montrer que l’ordonnance est une mise en œuvre minimale d’une législation déjà faible. Par exemple : toutes les PME sont exclues de l’obligation de diligence raisonnable en matière de travail des enfants, même celles qui présentent des risques élevés dans ce domaine (par exemple, les textiles, le chocolat), alors que c’est précisément là que la loi prévoyait une marge de manœuvre. De plus, les exigences en matière de diligence raisonnable sont insuffisamment définies et ne répondent pas aux normes internationales en la matière.
En ce qui concerne les minerais de conflit, les sociétés bénéficient également d’une exemption systématique jusqu’à un certain volume d’importations. Les volumes d’importations ont été repris du règlement de l’UE, bien qu’elles soient critiquées comme étant trop élevées par la Fédération européenne des métaux précieux: « The current 100 kg threshold for gold and 4.000 000 kg for gold ores and concentrates required for the regulation to apply risks weakening the standards, which could have reputational consequences for the industry. »
« Avec une ordonnance aussi faible, le contre-projet alibi se transforme définitivement en farce. Et le Conseil fédéral ignore la majorité des votantes et votants qui ont approuvé l’initiative pour des multinationales responsables et demandent des règles efficaces pour les multinationales », commente Chantal Peyer de Pain pour le prochain.
Un décalage au niveau international
Tant la loi que l’ordonnance sont en clair décalage avec les évolutions internationales. En juin, la Commission européenne devrait présenter une proposition de règlement qui, tout comme le prévoyait l’initiative pour des multinationales responsables, contiendra une obligation intersectorielle de diligence raisonnable dans le domaine des droits humains et de l’environnement, associée à un mécanisme de sanction efficace. Et parmi nos pays voisins, la « Loi de Vigilance » française de 2017, déjà en vigueur, mais aussi la « Lieferkettengesetz » allemande, qui sera bientôt adoptée, vont beaucoup plus loin que la future loi suisse.
Les premiers rapports de durabilité qui sont exigés par le contre-projet ne paraîtront pas avant 2024 (au lieu de 2023) en raison du délai transitoire. D’ici là, la nouvelle législation européenne aura été adoptée. « Le Conseil fédéral a affirmé pendant la campagne de votation vouloir des règles coordonnées au niveau international. Il devrait donc se remettre au travail pour véritablement améliorer la situation des victimes sur le terrain », déclare Chantal Peyer.
L’action politique en faveur de multinationales responsables continue
Le résultat historique de la votation du 29 novembre (50,7% de oui à l’initiative) a montré qu’une majorité de votantes et votants suisses veulent que les multinationales respectent les droits humains et l’environnement. C’est pourquoi la coalition a décidé de ne pas se dissoudre après la votation, mais de poursuivre ses activités. Son objectif : que la Suisse introduise une loi efficace dans les meilleurs délais, conformément aux développements internationaux. L’association lance en ce moment une campagne de financement participatif dans le but de trouver 5’000 personnes qui soutiendront ce nouveau projet.